La nature (et la terre) reprend tous ses droits sur la création de l'homme, elle s'autorise à faire tomber des toits, à s'immiscer dans les murs, les fenêtres, laissant libre cours à son imagination. Oubliée par l'homme, sa présence reste puissante. Cette visite d'un orphelinat dont nous rapportons les images, présente l'abandon, dans la mesure où il matérialise les ravages causés par le temps. La notion d'abandon est présente, les enfants ne le sont plus, il reste le lieu vide, l'absence. Cette notion riche, intéressante, aborde un parallélisme entre un lieu abandonné où des enfants ont été abandonnés nous plait tout particulièrement. Ce type de lieu nous amène "tout de suite" à penser au temps comme dans la photographie où cette notion y est indissociable.
A partir du moment où vous rentrez dans le lieu (métaphoriquement en image mais aussi pour les besoins du projet), le temps (temporalité et saison) ne sera pas celui que vous connaissez. Quant on entre, il devient difficile d'en sortir, tellement on s'y sent bien mais surtout une fois entré, on se retrouve hors du temps, dans un endroit où le temps justement agit sur les lieux et nous coupe totalement de la réalité. L'horloge défile pourtant le temps n'est plus. Réitération omniprésente, le projet appelle toujours à revenir sur les lieux, comme si le fait de le prendre en photo allait permettre de nous restituer tout le fil du temps passé. Chaque image se reflète dans son double et inversement. Un jeu de miroir présentant le lieu sur le fil des saisons. Le fait de montrer cette série en diptyque, appelle encore à un écho tant entendu dans l'histoire de l'orphelinat. Cette répétition tente à rappeler les parents qui ont pu laisser leurs enfants dans cette grande bâtisse perdue au milieu de la forêt.
« Mais la « lenteur du regard » en syntonie avec les lieux est devenue beaucoup pour moi, c’est une attitude « philosophique et existentielle » grâce à laquelle on peut tenter de retrouver dans le monde extérieur une possibilité de sens » Gabriele Basilico
Qui peut dire qu'il ne s'est jamais retrouvé nez-à-nez, confronté à ce genre d'endroit ? Ne serait-ce que devant une grande maison, seulement habitée par une végétation florissante ? Quels sentiments éprouveriez-vous ? Peut-être est-ce un terrain connu ? L'attrait qui ressort le plus, c'est le sentiment d'être dans une réalité parallèle, intemporelle. Croyance populaire auprès des visiteurs, tout portait à croire que ce lieu était réellement un orphelinat (présence de vieux lits à ressort, réfectoire...). De manière plus onirique que documentaire, le lieu sera donné à voir en tant que représentation d'un orphelinat. Il faudra voir cette approche tel un conte, un mythe où tout est sujet à l'imagination, aux rêves. Itération volontaire, les saisons qui passent, le temps qui passe. La photographie ne laisse voir qu'un lieu vide, homme manquant, pourtant la trace reste. Illusion créée à travers cette allégorie de l'orphelinat; Ce lieu intemporel s'est dégradé en beaucoup moins d'années qu'il n'en a compté, il n'en reste pas moins secret, voir même un peu inquiétant. Le regardeur est invité à s'immiscer dans les lieux dans une certaine intimité, une connexion, une symbiose.

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